Matinée, silence

Rue vide, ruban faufilé
entre pierres sombres et
pierres claires

Absences, nudités d'arbres
Chaque feuille est un oeil
grand ouvert,

cadeau du vent.

Arbre nocturne

Lune cassée
au faîte de l'arbre

Bleu nuit, manière noire
Nier l'incendie

Marcher, tête étoilée
de l'ombre à l'étincelle
et y croire pourtant :

le jour éteindra la nuit.

Arrière-cour

L'oiseau joue à être libre.
Entre les barreaux, l'air s'évade.

L'ombre des feuilles mourantes
fond dans l'étroitesse du jour.

Une vague idée de ciel
rôde entre les murs.

Migrations

Mémoire cosmique des étourneaux,
ciel surpiqué d'accents,
virgules noires,
cris aveugles, chutes libres

Désertant les marronniers des quais,
leurs criailleries terrestres
deviennent amples signaux
par-dessus nos têtes.

Romanesque

Conjonctions, centres,
tourbillons arrêtés,
vertiges
du vert et de la tige
mais...

Parce que la terre est rude
et le sol humide,
jamais n'échapperez
à votre sort
de simple végétal.

Esprit du lieu

Chemin immatériel des idoles

Des signes millénaires
s'accomplissent

Il n'est ni lune, ni soleil
pour arrêter le temps.

Nous pavoisons sur nos socles
et nos âmes s'enfuient.

Flottant dans le ciel

Le ciel ne tiendrait
qu'à un fil ;

Haut, par dessus nos têtes
levées,
nos yeux vogueraient,
grands poissons humides.

A nos bouches
viendraient mourir
les sourires des dimanches.

La chambre

Telle est la chambre :
blanche et ombre

un ruban changeant
y défile sans fin
aux vitres nettes

Sommeil rêves clairs.

Tournesols

Têtes biaises,
rares pétales aux fronts,
solidarité de feuilles,
regret de vagues, remords de houle

Le peuple provisoire
des tournesols finit
par se rendre.

Saint Pierre

Pierre noire,
dieux blêmes

L'ombre égrène
sa froide prière,
armée de pensées en déroute.

Nostalgie du bleu
des oiseaux.
Lune, couleur ronde
plongeant du haut des murailles
vers les chambres vides.

Jardins (3)

Pénétrer la touffeur,
mur invisible,

Exaspération
d'un été immortel.

Jardins (2)

Suée blanche au bord
extrême des soleils,
souffles moites,
pesanteur de la peau

Jardins (1)

Désordres accomplis
à l'aune des nervures,
lassitude des feuilles,
tiges comme
des signatures molles

Au café

Contre la lumière
deux vieux hommes, chuchotant
refont le monde
à livre ouvert

Au dehors
jouent deux musiciens
clarinette, accordéon
et ce chant d'une langue
étrange, voix tendue.

L'air est mêlé de pensées
grises et douces
rasant les miroirs fripés
des canaux.

Soirs

Veille rouge
corps absents, paroles
tues,
papillons secrets
nus sous les lampes.

Attente.

Etats d'arbres (3)

Peau, gerce, plissure,
bourrèlement.

l'écorce crisse.
Clairsemis
mousses grisonnantes
bois chauve
oiseaux en fuite aux branches maigres

Mort silencieuse des géants.

Au matin

Lambiner, lunatique
au creux du matin

Passants, regards d'oiseaux,
mots fumeroles,
pas tremblés
aux poussières pâles du pavé.

La serre

Traces de jour,
errements
un tremblé dans les feuilles

heure clandestine
des violettes cornues
et le petit peuple incertain
des insectes et des lézards,
égaré sous le chemin.

Le jour, la nuit

Tomber la nuit,
frôler le blême
des dernières heures,

lisser le miroir
fragile des faux-jours

poussières de lumière
suspendues
aux quatre coins du soir.

Soleils

Glisser
de transparence en transparence,
griffer le ciel
avec les doigts du soleil,
fermer
une cicatrice de marbre clair

Plus bas
vers la terre,
enfouir l'obscur.

Le coq

Mordorure du soir,
heure rousse de la plume
et de la paille

L'oeil vitreux
sous le peu de ciel,

le coq soliloque.

Itinéraires

Etals, bulles,
mousses,
tresses liquides

accompagner
le peuple de l'eau,

à pas glissants
jusqu'à la perte.

Etats d'arbres (2)

Entailles, morsures,
sectionnement

Dernier élan,
fendre l'air
pour la dernière fois

Finir prostré
au pied du ciel
- grandeur obstinée -

Etats d'arbres (1)

Nostalgie d'horizon
aux sous-bois,
rondeur d'écorce,
fourmillement de feuilles
faussement mortes
à la dernière neige.